L'AUVERGNAT DE PARIS 1886

 

Saint-Urcize vue à travers le journal des auvergnats

5ème année - 1886

n° 16 du 17.04.1886
Depuis le commencement du mois, la Halle aux Blés , destinée à être remplacée par la Bourse de Commerce, a été livrée aux démolisseurs.

n° 26 du 27.06.1886
Pour les élections au Conseil Général, Chaudesaigues n’échappera pas aux divisions. MM. Roussilhe, Conseiller sortant et Auguste Ipcher, Maire de Saint-Urcize sont tous deux sur les rangs. Il se pourrait que, profitant de leurs rivalités, Mr. Vaissier, Notaire, essayât de jouer le rôle du juge vis-à-vis des plaideurs.

n° 27 du 04.07.1886
Lundi 21 juin , concours agricole cantonal annuel à Chaudesaigues.
Génisses de 2 ans : 1er prix Remise, propriétaire à St-Rémy près Saint-Urcize.
3ème Pignol « «

n° 29 du 11.07.1886
Mr. Costeroste de Saint-Urcize a obtenu, au concours de Clermont-Ferrand, une mention honorable pour sa présure.

n° 31 du 25.07.1886
Profession de foi de Mr. Ipcher adressée aux électeurs de Chaudesaigues.

n° 33 du 08.08.1886
Conseil général - Elections du 1er août.
Canton de Chaudesaigues : Roussille 702 (élu) Ipcher 542.

n° 36 du 29.08.1886
Délégués sénatoriaux : St-U. Ipcher A. et Remise Baptiol

n° 39 du 19.09.1886
J.O. du 04.08.1886 - Mouvement général de la population de France en 1885.
Naissances légitimes 848.143 Hommes 435.227 Femmes 412.916
Enfants naturels 74.118 37.969 36.149
Le nombre des naissances pour toute la France est supérieur de 85.464 à celui des décès.
Cantal : Naissances 5.811 Hommes 3.017 Femmes 2.794
Décès 4.660 2.377 2.283
Mariages 1.756 et 5 divorces
• Le résultat de l’exédent des naissances sur les décès est de 1.151, c’est-à-dire qu’il est un des plus favorisés de France.

n° 44 du 24.10.1886
Saint-Urcize. - De notre correspondant spécial :
Foire de St-Géraud. - Dès la veille, beaucoup de monde arrivaient de tous les côtés, encouragés sans doute par le beau temps ; tout semblait se préparer pour rendre cette foire des plus intéressantes et des plus fructueuses pour la contrée.
Tous les commerçants faisaient leurs préparatifs avec beaucoup d’entrain. Je voyais tel aubergiste qui avait mis toutes ses barriques en perce, espérant les vider toutes ; tel autre tournant joyeusement à l’envers les peaux d’un pauvre troupeau de brebis préparé pour la circonstance et les mettant sécher au soleil ; un autre se précipitant pour ramasser toutes les cocottes et toutes les marmites du voisinage ; j’admirais surtout ce marchand d’étoffes dévalisant le menuisier du village pour étaler ses belles robes et ses beaux rubans aux yeux des nombreuses demoiselles qui affluent chaque année poussées par la ‘dévotion’ de venir acheter un chapelet de châtaignes. Monsieur le Maire le savait bien, car, lui aussi faisait racler les chemins, qui sans sa prévoyance, n’auraient pas été praticables, et plus d’une peut-être aurait été déconcertée à la vue de la boue qu’on remue dans ce bourg délaissé ; honneur donc à M. le Maire, qui par ses soins vigilants, à contribué à l’éclat de la foire. J’oubliais de mentionner les jeunes filles de Saint-Urcize mises à contribution par les aubergistes, plusieurs jours à l’avance ; il y avait une certaine concurrence, on faisait à qui aurait les plus élégantes, le choix est facile !
Tout n’était pas fini, plus d’un passaient la nuit blanche ou ne dormaient que d’un oeil, regardant si quelque nuage sombre n’apparaissait pas à l’horizon ; hélas ! avant le lever de l’aurore, la pluie tombait avec une extrême violence, poussée qu’elle était par un vent impétueux, et on croyait les espérances de la veille déjà évanouies. J’ai rencontré un aubergiste qui se chagrinait en mes disant : on ton, a dets houros, obio fach trés cents froncs de recetto et bidados dos borriquos dé bi, et encaro n’éi pas rés fach ; ah ! sobio dibinat auourio léissados courré moï fédettos. Malgré la continuation du mauvais temps le foiral se remplissait de bétail, la partie réservée aux bêtes à laine était déjà pleine pendant que de toutes les avenues arrivaient à foison des bêtes à corne ; jamais peut-être on n’avait vu le champ de foire si garni ; beaucoup de vendeurs, énormément d’acheteurs, il s’est fait des marchés en quantités, mais pas très avantageux pour les paysans qui ne font le sacrifice de leur bétail que poussés par la nécessité. Le prix moyen des vaches grasses était de 150 francs, celui des vaches à lait de 110 à 120 francs. Il s’est vendu beaucoup de jeunes génisses et de jeunes taureaux aux prix dérisoires de 60, 70 et 80 francs. En général, bonne journée malgré les fortes giboulées qui tombaient de temps en temps ; les débitants ont fait une plus grosse recette qu’ils ne croyaient au début.
Chien enragé. - Depuis quelques jours, les habitants de Saint-Urcize avaient vu se promener un chien aux allures suspectes, mordant tous les congénères qu’il rencontrait sur son passage, n’épargnant pas même les chats et les cochons. On se disposait à l’exterminer, lorsqu’on s’est mis à dire que c’était le chien d’un notaire de Nasbinals ; parait qu’il y a des gens qui ont un certain respect pour les chiens de notaires, ils ont même poussé le dévouement jusqu’à l’attraper et l’on conduit à son maître au risque d’être mordus...
n° 46 du 07.11.1886
Ventes Judiciaires : Le 17.11 au Tribunal de Saint-Flour seront vendus les immeubles, maison, jardin et pré, situés à Saint-Urcize et appartenant aux héritiers Costeroste. Mise à prix sur folle enchêre : 2.300 francs. Me Chabanier, avoué.
Expropriations : Les pâtures dites La motte et La Coste, commune de Saint-Urcize, ont été expropriées pour cause d’utilité publique (chemin vicinal de S.U. à Laguiole).

n° 46 du 07.11.1886
Saint-Urcize en réjouissance. - Oh ! belle bourgade, tes voeux commencent à s’accomplir. Depuis longtemps, tu ouvrais de gros yeux pour voir si tes beaux chemins n’étaient pas éclairés par quelque soleil dardant ses rayons, et réchauffant les tièdes, les froids et même les glacés. Quand ton pays était couvert de son manteau blanc, quand la bise amoncelait la neige devant tes portes et tes croisées et la poussait parfois contre l’âtre de cette cheminée où tu cherchais un peu de chaleur en rôtissant les ongles de tes pieds, tu placardais sur tes murs les noms de tes jeunes gens et des jeunes filles de ta commune, accouplés d’après ton caprice, sans leur demander aucun consentement espérant que cette simagrée amènerait la réalité. Hélas ! tu t’es vue désappointée pendant bien longtemps, mais aujourd’hui tu es bien compensée de ta longue attente.
Les quatre affichés qui couvraient les murs du porche de ton église, t’avaient mis la salive à la bouche, et tu voyais le moment où ton enceinte allait tréssaillir de joie et de bonheur.
En voyant lever le soleil si beau, si grand, si rayonnant, si splendide, les petits enfants claquaient des mains et tout annonçait une fête des mieux réussie. Les quatre aubergistes du village qui sont à l’affût des coups de commerce se frottaient les mains en voyant que cette fois-ci leur caisse allait retentir d’un harmonieux accord et chacun de faire le tour de sa cuisine pour voir si le reflet de ses casseroles était capable d’en guider quelqu’un dans le bon chemin. Saint-Urcize était à la veille d’un grand festival, lorsqu’un coup de vent, sans doute un de ses coup de vent d’antan, si fort dans nos montagnes, à emporté le château de cartes.
Un des quatre affichés a jugé à propos de faire ses noces de mariage à l’ombre du célèbre pont de Garaby (sic). Un autre redoutant les charges de sa nouvelle destinée à remis la partie à plus tard. Quant aux deux qui restaient ; l’un a été volé d’une petite valeur de six mille francs par quelque industrieux qui s’était introduit chez lui en son absence en perçant un carreau avec une vrille. Qui le croirait ? si on ne certifiait avoir retrouvé le manche !
Troublé sans doute par cette mésaventure, ils ont manqué se perdre pour se rendre de leur maison à l’église, située à un jet de pierre. Au moment de commencer la messe, voyant qu’ils tardaient à arriver, le clerc les alla chercher et a son grand étonnement il ne put les trouver. Nouveau Doogène, il avait oublié de prendre sa lanterne !
L’autre quoique menuisier n’a pas encore trouvé le moyen de fiare le fond de caisse assez solide pour résister aux secousses de sa vie orageuse. Ainsi donc ce qui semblait devoir être un coup de bourse pour « notre pauvre Saint-Urcize » s’est évanoui comme un peu de rosée que le soleil dissipe.

n° 52 du 26.12.1886
Un terrible accident est arrivé aux Bouchatel, commune de Saint-Urcize. Les quatre robustes jeunes gens qui font partie de cette nombreuse famille s’occupaient avec leur père, pendant la saison morte, à déblayer leurs propriétés des nombreux rochers qui sont semés çà et là ; trouvant que quelques uns résistaient à leurs bras vigoureux, ils ont voulu employer la poudre, cet agent subtil auquel aucune force ne résiste.
Malheureusement, soit imprudence, soit maladresse ou tout autre cause, la poudre a fait explosion au moment où ils bourraient le pétard et a renversé trois des enfants et le père entourant en ce moment le roc.
Le père en a été quitte pour la peur ; le troisième des fils a eu quelques égratignures à la figure sans gravité ; le second, Jean Antoine, a aussi été atteint à la figure, plus gravement pourtant, puisqu’il a un oeil sérieusement endommagé ; mais l’aîné, Durand, a été mutilé : il a la figure meurtrie, les yeux tellement attaqués, qu’on désespère de sa vue. Pour comble de malheur, il a une main emportée et l’autre presque broyée, lui manquant un doigt ; les médecins appelés pour le soigner, ont trouvé le bras même dont la main a disparu si fracturé qu’ils ont été obligés de lui faire l’emputation au dessus du coude.
Nos plus sincères condoléances à cette famille si cruellement éprouvée et surtout à notre ami Durand : la commune de Saint-Urcize le considère à juste titre comme le type du jeune homme bon et aimable et regrette de perdre en lui un ouvrier adroit, sérieux et intelligent.